21.
Cher Gulp !
Je ne sais pas si je pourrai t’écrire encore avant un certain temps parce que ma mère m’emmène dans une école privée demain. C’est loin, en Ohio. Elle dit qu’il y a des tas d’enfants sympathiques là-bas et que j’oublierai.
Le médecin de l’hôpital lui a conseillé de m’y envoyer. Il dit que ce qui s’est passé me tourmentera encore longtemps et peut-être que j’aurai de mauvais rêves. Il a donné à ma mère des pilules pour me faire dormir.
Le soir où je suis rentrée de l’hôpital elle m’a mise au lit dans sa chambre et m’a donné ma pilule. Mais je l’ai cachée dans ma bouche et dès qu’elle est repartie je l’ai crachée. Et quand elle a été partie pour de bon, je me suis levée et je suis allée dans ma propre chambre. Je me suis couchée mais je ne pouvais pas dormir. J’avais peur. Et j’ai entendu un bruit. Ça m’a effrayée et j’ai allumé la lampe. Alors il a disparu. Mais quand j’ai éteint la lumière, il est revenu. J’avais très peur. J’ai vraiment écouté, écouté, l’oreille tendue.
Il faisait noir, y avait seulement un tout petit peu de lumière qui filtrait depuis la rue. Et j’ai vu Câlinot le Singe assis sur le rebord de la fenêtre et regardant dehors comme tu l’avais mis. Le bruit c’était lui. Il chantait.
Koukaberra perché
Dans le vieux caoutchouc
Roi de la brousse
Roi de la brousse
Ris koukaberra
Ris grand roi
Chante ta joie.
Je l’ai écouté chanter sans arrêt. Il chantait, il chantait, il chantait. C’était doux. Et quand je me suis endormie, j’ai rêvé d’arc-en-ciel.
Jessica.
Chère Jessica,
Une fois, j’avais cinq ans. C’était l’été. J’étais resté debout tard pasqu’il y avait pas école le lendemain. Et j’ai fait un mauvais rêve.
Je m’ai réveillé. Il faisait tout noir dans ma chambre. Il y avait une ombre sur le placard. Tout était silencieux. Je ne me sentais pas bien. Je transpirais. C’était froid sur moi. Je m’ai assis dans mon lit et j’ai attendu. Puis je suis sorti du lit. J’ai tendu le doigt dans la direction de la porte et j’y suis allé. Je suis allé dans l’entrée en pyjama. Je suis resté dans le hall devant la petite veilleuse qui est au-dessus de la chambre de mes parents. J’écoutais. Mais je n’entendais rien. À l’intérieur de leur chambre c’était tout noir.
J’étais là, en pyjama. J’ai regardé dans la chambre de mes parents mais il faisait tout noir. J’ai écouté et je n’ai pas entendu un seul bruit. Alors j’ai dit quelque chose, très, très doucement, dans l’entrée :
Il n’y a personne, là-dedans ?
Gulp.